Un film de Henry Hathaway
Comme son titre le laisse supposer, le film de Henry Hathaway (connu pour ses westerns et ces films noirs, comme c'est le cas ici, il a aussi réalisé le superbe Peter Ibbetson) prend pour décor la rive canadienne des chutes du Niagara, destination privilégiée des jeunes mariés pour leur voyage de noce. C'est justement le cas des Cutler (Jean Peters et Casey Adams), qui découvrent en leur voisins des personnages bien étranges : la sublime Rose Loomis (Marilyn Monroe) et son mari George (Joseph Cotten). Ce couple n'est pas en très bon termes...
Ce film en Technicolor utilise diablement bien les décors naturels des chutes, capturant toute leur beauté, mais aussi sa terrifiante violence. Le bruit des chutes s'écrasant sur les rochers emplir le film, de même que cette bruine subtile qui fait apparaître, comme un tour de magie, des arcs en ciel dans les coins du cadre. Dès la scène d'ouverture, ce mélange de beauté et d'étrangeté saisit le spectateur, quand George Loomis paraît s'extirper des chutes (en fait une balade matinale, arguant par une voix-off fatiguée :
"Pourquoi les chutes m'attirent-elles ici à cinq heures du matin ? Pour me montre combien elles sont immenses et combien je suis minuscule ? Pour me rappeler qu'elles n'ont besoin de l'aide de personne ? Très bien, elles l'ont prouvé. Et puis après ? Il leur a fallu dix mille ans pour devenir indépendantes. Qu'y a-t-il d'extraordinaire à cela ? J'imagine que moi aussi, je pourrais le devenir, mais cela demanderait peut-être un peu plus de temps..."
Une aura métaphysique plane déjà sur le film. On retrouve l'homme hanté par ses démons, déjà prisonnier d'un destin funeste. L'ombre du film noir obscurcit aussi ce film pourtant lumineux, qui s'attache constamment à montrer des extrêmes : des paysages magnifiques associé à une ambiance de dégoût, lassitude, de mort... Le film débute d'ailleurs par cette voix-off citée au-dessus, trait récurent de ce courant qui nous a donné de ce beaux moments de cinéma.
Hathaway voulait James Mason dans le rôle de George Loomis, mais Joseph Cotten parvient sans mal à incarner cette enveloppe fatiguée par la vie. Marilyn, au plus fort de sa beauté irrésistible, est incroyablement désirable, occupant la place de la femme fatale si caractéristique du noir. Lorsqu'elle débarque avec sa robe rouge/fushia dans une petite soirée de l'hôtel où elle séjourne, et fait tourner la tête de tous les hommes présents, le temps semble s'arrêter, elle devient alors l'unique centre d'intérêt ; concentrant toutes les obsessions, tel le soleil qui irradie tout.
Ne parler que de Marilyn serait un tort, tant Jean Peters, femme très belle également, occupe son rôle avec une vraie prestance. Elle constitue une version de la femme plus réelle, plus consciente aussi, que Marilyn, qui incarne ici le fantasme absolu. Hathaway, ravi de sa collaboration avec Marilyn, lui donne ici l'occasion de briller, et de montrer une facette plus sombre, plus que dans n'importe quel autre film. Ce ne sera que le début, car avec Rivière sans retour (Otto Preminger, 1954), Sept ans de réflexion (Billy Wilder, 1955) ou évidement Certains l'aiment chaud (Billy Wilder, 1959), la carrière de l'actrice aura été à la hauteur du mythe.
Source image : affiche du film © 20th Century Fox